La lettre de la
FNSEA
Paris, le 13 juin 2018
Madame,
Monsieur,
Votre mobilisation exceptionnelle a contraint le gouvernement à s’asseoir à la table des
discussions. C’est déjà en soi une première satisfaction car ces 2 fois 2 heures de discussion avec le ministre traduisent la reconnaissance du problème : des
importations « distorsives » alors même que les agriculteurs doivent répondre à des attentes sociétales chaque jour plus exigeantes. Nous partions de loin !
La montée en gamme est certes une stratégie incontournable, mais face à des conditions de concurrence non
équitables, elle conduit à une impasse. La négociation avec le ministre de l’Agriculture, mandaté par le gouvernement pour gérer cette situation de crise, fut âpre,
dure, intense. Et comme dans toute négociation, il y a des avancées, il y a des déceptions ; c’est rare de gagner sur tous les tableaux. Et la lecture qui en est faite
obéit soit au verre à moitié plein, soit au verre à moitié vide. Nous avons choisi d’être lucides, de rester déterminés et intransigeants.
Les 4 revendications que nous avons portées avaient été choisies car elles symbolisaient les grands enjeux de notre combat.
Les résultats doivent donc s’apprécier au regard de la mesure elle-même mais aussi de ce qu’elle représente au regard de la politique du gouvernement.
Nous demandions d’interdire toute importation « distorsive ». Cette exigence, grandement partagée par les
consommateurs et l’opinion publique, a conduit le ministre à rappeler « les lignes rouges de la France dans les accords internationaux », comme le
Mercosur ; à s’engager à œuvrer pour « plus d’homogénéité des règles européennes », en écho à notre principe : règles uniques sur un marché unique ;
à se battre pour « pérenniser l’expérimentation sur l’étiquetage de l’origine des produits ». Bien sûr, le chantier est à poursuivre pour obtenir
des résultats concrets, tangibles dans nos échanges avec les pays tiers, comme au sein de l’Europe où se trouvent les seules vraies réponses. La France ne peut y faire
cavalier seul ; elle doit au contraire entraîner et faire progresser. Le combat restera quotidien.
Nous demandions que le CORENA retrouve un fonctionnement normal après plus d’un an d’interruption. L’engagement
est réel, la lettre de mission est signée, une date est programmée. Avec le CORENA, nous avons un levier pour éviter les surtranspositions franco-françaises, pour
dénoncer les conséquences économiques de telle ou telle norme absurde sur le plan « technico- économique ». Nous demandions une compensation de la suppression du CICE
pour les employeurs de main d’œuvre saisonnière. Cette mesure, importante pour certains secteurs, met aussi l’accent sur le dumping social que nous subissons à
l’intérieur même de l’Europe. Nous nous sommes heurtés d’emblée à un mur : au nom des contraintes budgétaires, au nom d’une volonté d’harmoniser les régimes sociaux.
Nous nous sommes battus pied-à-pied pour déverrouiller cette position de principe. Le résultat est certes mitigé : nous n’avons pas obtenu la mesure mais nous
considérons que la porte reste ouverte puisque, si le ministre n’a pas le levier budgétaire, nous irons le chercher là où il est au gouvernement ; et nous avons
l’engagement d’un travail technique qui mette en lumière les difficultés spécifiques des exploitations fortement employeuses de main d’œuvre saisonnière.
Quant au grand plan d’investissement, bien sûr il n’y a pas de miracle sur le montage financier. Les milliards annoncés
proviennent de recyclages de crédits existants et de garanties bancaires. Mais ce qui est important c’est d’avoir conduit le ministre à affirmer que ce plan servira
« à accompagner les investissements des plans de filières » et que des réunions de travail auront lieu avec elles d’ici fin juin pour discuter de
leurs priorités. Un gage pour faire valoir la vision économique et cohérente des segmentations de marché que nos Associations Spécialisées ont portée dans ces plans de
filière.
Enfin, le secrétaire d'État auprès du ministre de la Transition écologique et solidaire, Sébastien Lecornu, présent au premier round
de discussions a apporté des réponses à la question des importations d’huile de palme : engagement de la France sur «l’encadrement européen des
importations » ; soutien réaffirmé aux filières de biocarburants, « autorisation du B10 et du B100 ». Le courrier signé du ministre de
l’Agriculture consigne ses engagements et ses ouvertures et fixe des rendez-vous précis. Nous saurons les rappeler au gouvernement à chacune de ses prises de décision
dans les jours à venir et les occasions ne manqueront pas. Et s’il n’est pas au rendez-vous, nous reprendrons la mobilisation que nous avons suspendue.
Au-delà de ces points précis, nous avons l’intime conviction que cette mobilisation exceptionnelle marque
un tournant. D’abord elle a suscité l’adhésion des consommateurs et de l’opinion publique : un fait assez rare pour être mis en valeur et sur lequel nous
devons capitaliser. Ensuite elle a contraint le gouvernement à acter que la compétitivité et la concurrence étaient des réalités incontestables dont il devait tenir
compte ; une porte est ouverte ; nous ne lâcherons rien. Enfin, nous avons démontré à l’Exécutif que nous sommes l’interlocuteur incontournable à un moment où de
nombreux corps intermédiaires doutent de la volonté de l’Etat de les reconnaître à leur juste valeur.
FNSEA et JA font encore une fois la démonstration d’un syndicalisme majoritaire, représentatif, fort et
responsable. C’est le résultat de notre engagement collectif, de la solidité de notre réseau, de sa solidarité et de son unité. Notre message est le bon. La bataille
n’est pas terminée. Soyez assurés de notre engagement indéfectible.
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